Les émotions, ça se gère ?
Le terme gestion des émotions est souvent employé dans des formations ou des articles de presse pour désigner la façon dont un individu garde le contrôle de ce qu'il ressent et/ou exprime. Personnellement je m'interroge sur l'emploi de ce terme.
Gérer est l'action d'administrer, de diriger, d'organiser une entreprise ou une somme d'argent. Gérer ses émotions reviendrait donc à dire que l'on peut décider d'affecter telle ou telle émotion prioritairement à tel ou tel besoin ou à telle ou telle situation, de diriger l'émotion, de la contrôler. Un peu comme si l'émotion était une ressource que l'on économiserait ou que l'on dépenserait un peu comme on économise ou comme on dépense des euros !
L'émotion, c'est quoi en fait ?
Alors l'émotion, qu'est ce que c'est ?
Le terme émotion est défini dans le Larousse comme étant :
"- un trouble subit, une agitation passagère causés par un sentiment vif de peur, de surprise, de joie...etc.
- réaction affective transitoire d'assez grande intensité habituellement provoquée par une stimulation venue de l'environnement"
et une définition assez intéressante et très surprenante : "une émotion, sous l'Ancien régime, est une révolte populaire non organisée et généralement de courte durée !"
Le terme émotion vient de émouvoir, d'après l'ancien français motion, mouvement.
On parle généralement d'émotion comme un état "comportant une expérience subjective (joie, tristesse, colère, peur, etc.) ; une expression communicative d'excitation ou d'inhibition (mimique, gestuelle, posture, etc.) ; des modifications neurovégétatives et endocriniennes. Son seuil varie en fonction de la personnalité, de ses expériences, de l'état physiologique du sujet et de la nature de l'agent en cause."
Selon Pascal Malet, psychologue, l'émotion est une façon d'être au monde dans l'instant. Ce n'est pas ce que nous avons été ni ce que nous serons, ni ce que nous sommes. L'émotion pourrait être comparée à un facteur très consciencieux qui veut nous délivrer un courrier : nous ne répondons pas quand il sonne à notre porte, et au lieu de repartir, ce facteur très consciencieux reste devant la porte. Et tant que nous ne récupérons pas ce courrier, il reste là, voire se cache et nous attend, et dès que nous sortons de chez nous, il sort de sa cachette pour pouvoir nous remettre ce courrier.
Tant que l'émotion n'est pas accueillie, elle reste là... mais ne disparaît pas !
S'il est vrai que l'on peut "maîtriser" ses émotions, est il réellement souhaitable de les "gérer" en amenant de la maîtrise ? Si oui, qu'est il intéressant de gérer dans cette façon d'être au monde ?Prendre conscience de l'émotion qui est là maintenant, différente de celle qui était là quelques minutes ou heures ou jours auparavant, c'est prendre conscience du mouvement qui s'opère en nous de façon permanente et qui nous rappelle que nous sommes en vie, en perpétuel changement. C'est un peu comme si notre inconscient essayait de nous délivrer un message important qui doit parfois être décrypté par notre conscience.
Il est parfois approprié de ressentir du dégoût, de la tristesse, de la peur ou de la colère dans certaines situations. Avoir peur de l'eau quand on ne sait pas nager, se mettre en colère quand nous ne sommes pas respectés, être triste quand nous perdons un être cher... sont des émotions qui nous disent quelque chose de notre façon d'être au monde dans l'instant, dans un contexte particulier et qui nous permettent de nous préserver de certaines situations dangereuses ou inconfortables.
Ce qui était là il y a quelques minutes n'est plus et reviendra peut être ou peut être pas, et si cette émotion est différente, elle peut présenter des similitudes avec une émotion que nous avons pu ressentir de manière appropriée à un autre moment.
L'émotion, facteur de mouvement...
Comment et pourquoi prendre conscience de ces différences ?
Souvent les émotions se manifestent par des signes physiques, des sensations dans le corps, plus ou moins importantes et plus ou moins visibles de l'extérieur. L'émotion nous permet de rester connectés à notre rapport subjectif à l'expérience. La maîtriser signifierait mettre du contrôle dans ce que nous ressentons, un peu comme si nous ne pouvions pas accepter la manifestation des perceptions de notre expérience subjective.
Savoir observer nos perceptions et les variations de nos ressentis face à une situation permet de mieux reconnaître l'émotion qui est là et de prendre conscience des variations de forme et d'intensité qui caractérisent une émotion donnée. Quel en est le déclencheur ? Ai je les mêmes ressentis dans le corps quand je ressens la peur d'avant un examen et quand je ressens la peur d'arriver en retard à un rendez vous ? Que me dit cette émotion , que me permet elle de faire différemment quand elle est là ? A partir de quel moment suis je motivée au sens "me mettre en mouvement" ou au contraire limitée comme paralysée dans mon action par cette peur ?
Accueillir l'émotion et savoir la reconnaître, ne signifie pas pour autant la maîtriser. Et effectivement, en société, en public, sur votre lieu de travail, il n'est pas toujours approprié de montrer ses émotions. C'est un peu comme si vous décidiez de porter un T-shirt pour aller travailler alors qu'on attend de vous que vous portiez une chemise et une cravate !
Mais alors, oui nous devons maîtriser nos émotions me direz vous... un peu comme si chacun de nous, en tant qu'individu était une entreprise dans laquelle chaque émotion doit s'exprimer de façon appropriée et se conformer à des normes, des codes, des règles pré établies par une autorité supérieure qui décide de ce qui est bon ou pas, de ce qui est approprié ou pas dans telle ou telle situation.
Alors si l'émotion est comparable à une tenue qui pourrait être appropriée ou pas, qui est celui qui décide de son caractère approprié ou inapproprié ? Vous au sens de votre propre autorité intérieure ? Votre environnement : parents, amis, entreprise ? Qui est à même de prendre une telle décision ?
Il m'est personnellement arrivé de ressentir une émotion de colère face au manque de respect de certaines personnes vis à vis d'autres personnes. A ce moment là, deux options s'offraient à moi : décider de nier l'existence de cette émotion car jugée inappropriée par l'environnement, ou décider d'entendre mon autorité intérieure me dire que je pouvais accepter cette émotion car elle me permettait d'être en phase avec mes valeurs et de me mettre en mouvement pour changer ce qui pouvait être changé.
Prendre conscience de ses perceptions c'est observer ce qui se passe à l'intérieur pour mieux le laisser s'en aller.
Cette observation est un préalable à l'acceptation de ce que l'on ressent et de l'émotion qui est là, sans jugement.
Accueillir l'émotion permet d'évaluer son intensité pour mieux écouter ce que notre inconscient cherche à nous dire. Accueillie et reconnue, elle peut ensuite vouloir s'apaiser si il s'agit d'une émotion que l'on juge inconfortable, ou grandir si cette émotion est bénéfique pour nous.
Alors quand j'ai ressenti cette colère que j'évoquai plus haut, dans un contexte inapproprié pour mon environnement mais tout à fait approprié pour moi, j'ai fait le choix de ne pas la sortir de manière brute et violente. Je me suis retirée pour me concentrer sur que ce qui se passait à l'intérieur. Je suis allée observer tranquillement ce que cela produisait dans mon corps. Et alors que j'observais la tension dans ma poitrine, je décidais de l'accueillir et de lui laisser toute la place dont elle avait besoin. Elle s'est diffusée à tout mon corps pour finalement se dissoudre comme un cachet effervescent dans un verre d'eau... Et j'ai alors observé ce qui venait ensuite : une sensation de lourdeur dans le corps, que j'ai associée à une forme de tristesse. Cette sensation s'est accompagnée d'une boule dans ma gorge. Je lui ai laissé la place dont elle avait besoin, et j'ai laissé s'exprimer cette tristesse, je l'ai laissés sortir. Et finalement, laisser sortir a été bénéfique : la colère avait disparu, la tristesse s'est exprimée et ce qui était là dans la minute d'après était presque apaisant : l'émotion a été accueillie, reconnue pour ce qu'elle avait à me dire et le facteur consciencieux qui voulait me remettre son courrier était satisfait. J'avais pris conscience de ce qui n'allait pas et étais alors prête à me mettre en mouvement pour opérer tous les changements qui étaient bons pour moi à ce moment là.
Oui, j'aurai pu laisser jaillir la colère et exprimer haut et fort mon ressentiment face à ce que je considérais comme une injustice et un manque de respect. L'émotion primaire de colère serait peut être sortie violemment, ce qui n'aurait été bénéfique ni pour moi, ni pour mon environnement. Et il est probable que le message que mon inconscient cherchait à me transmettre n'aurait pas été décrypté convenablement. Plus tard, une fois la colère passée, la tristesse évacuée, j'ai pu me mettre en mouvement et exprimer ma position de façon tout à fait appropriée et acceptable pour mon environnement, laisser ce qui ne me convenait pas pour aller vers ce que je souhaitais obtenir.
Alors que s'est il passé ? Ai-je géré l'émotion ? Pas sûr. Je dirai plutôt que j'ai laissé l'émotion s'exprimer à l'intérieur, je l'ai écoutée sans vouloir la diriger ni la contrôler, et je l'ai laissée s'en aller pour laisser place à quelque chose de moins inconfortable et de plus motivant pour ce que j'avais à faire.
On pourrait alors peut être simplement parler de l'émotion comme d'une énergie qui est là, présente à un moment donné. Elle est là, présente et demande à être reconnue en tant que telle. Nier sa présence pourrait renforcer sa puissance au point que nous ne soyons plus en mesure de la contenir, un peu comme une surtension électrique qui ferait disjoncter notre système. La laisser jaillir sans filtre peut avoir des effets collatéraux sans que nous ayons finalement intégré pleinement toutes les composantes du message caché et néanmoins essentiel impulsé par notre inconscient.
Et si nous décidions de prendre le temps de décrypter le message envoyé par notre inconscient ?
Si nous laissions ce facteur consciencieux nous remettre ce précieux courrier pour ensuite passer, à notre rythme et en toute bienveillance, à autre chose ?
Pour ma part, j'aime à penser qu'on gère pas l'émotion comme on gère une entreprise ou un budget. N'économisons pas pour mieux dépenser demain car cela risquerait bien de déséquilibrer notre propre système. Ne nous mettons pas au régime drastique pour craquer demain sur une pâtisserie que nous n'affectionnons pas particulièrement...
Nous pouvons simplement accueillir et observer pour mieux laisser aller ce que nous ne souhaitons pas garder au profit d'un état, d'une façon d'être au monde qui nous conviendra mieux. Observer, accueillir pour mieux faire baisser la charge émotionnelle nous permet d'accéder au véritable message que souhaite nous transmettre notre inconscient et d'adopter une autre façon d'être au monde, en respectant notre équilibre et notre écologie.
Belle journée à vous les Betterflies !
Pour d'autres visions...
Et tout le monde s'en fout - Les émotions
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L'intelligence émotionnelle
Utilisez votre stress - David Lefrançois
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